27 mars 2008

Le tibet c'est mignon !

Pierre Foglia a commis une chronique où il décrit très bien le sentiment que j’ai face au mouvement de solidarité à la cause tibétaine :

Le Tibet, c'tu du sport? En tout cas, c'est assez formidable de voir comme vous devenez tous gagas quand il s'agit du Tibet. J'entends des baptisés de la religion catholique qui ne seraient pas foutus de réciter un Notre-Père mais qui discourent couramment et mieux que Richard Gere sur la 14e réincarnation de bodhisattwa, sur le véhicule de diamant, et sur quelques autres niaiseries lamaïstes devant lesquelles, moi, rationaliste et laïc, je suis censé me prosterner comme devant une grande découverte, mettons l'invention de la brouette.

La burqa, non mais quelle honte! Sont-ils assez obscurantistes, ces musulmans? Tandis que les incantations et les visualisations du tantrisme tibétain, holà madame chose, ça, c'est de la spiritualité, pis sont-tu assez cutes avec leurs petits bonnets jaunes?

Je serais plus sensible au prêchi-prêcha du dalaï s'il était moins subventionné par les mouvements religieux de la droite américaine, si on le voyait moins souvent avec Bush, s'il n'avait pas déjà pris la défense d'Augusto Pinochet, s'il n'avait pas été employé longtemps par la CIA (documents rendus publics par le département d'État en 1998).

Je serais plus sensible à un discours qui ne nous prendrait pas pour des valises en nous racontant qu'avant les Chinois, le Tibet était un paradis. La vérité, c'est qu'avant les Chinois, le Tibet était pauvre comme la gale, et intégriste comme n'importe quelle autre théocratie, les lamas étaient très riches et les paysans crevaient de faim. Depuis l'occupation par les Chinois, les paysans crèvent toujours de faim et les lamas sont persécutés. C'est pas une raison pour nous raconter des conneries sur avant.

Je serais plus sensible à l'appel d'un boycottage si l'insurrection n'était pas téléguidée par des prosélytes bouddhistes européens et nord-américains qui ont commandé aux Tibétains une insurrection clés en main, marquée du sceau olympique avec, en sport de démonstration, le lancer du moine.

4 commentaires:

Anonyme a dit...

salut Reda,

Sympa la chronique. Vraiment.
Pour ma part je te conseille de lire les papiers de James Miles (The Economist) sur cette question(http://www.economist.com/displaystory.cfm?story_id=10875823).

Il est le correspondant de l'hébdo britannique à Pékin. Plus intéressant encore il fut le seul journaliste étranger présent au Tibet durant les émeutes.

Amina
A+

Anonyme a dit...

Normalement je n'apprecie pas teeeellement cette facon d'ecrire mais j'avoue etre totalement d'accord avec le contenu.

Anonyme a dit...

@Amina : Tanx pour le lien :)

@Reda_ea : Est ce que la 'façon', c'Est plus important que le contenu ?

Anonyme a dit...

J'ai lu l'article de Foglia à plusieurs reprises, et je suis toujours aussi perplexe. Je ne sais toujours pas s'il est sérieux ou s'il cherche seulement à provoquer. C'est d'un cynisme déconcertant.

Il fait un amalgame troublant entre les concepts de la religion bouddhiste et la situation politique au Tibet. On n’est pas obligé de croire à la réincarnation ni adhérer au bouddhisme pour constater que ce qui se passe là-bas depuis 50 ans est un génocide. Croit-il qu'en ridiculisant leurs croyances et leurs rites, il légitimera la passivité internationale à l'égard du traitement que la Chine leur impose? La situation au Tibet est inacceptable, comme elle le serait dans n'importe quel autre pays occupé par la force. Ça n'a rien à voir avec les drapeaux de prière, les burquas ou le Notre Père. L’oppression est inadmissible, que ce soit en pays bouddhiste, musulman ou catho.

La vérité c'est qu'avant les Chinois, le Tibet était libre. Libre chez lui, indépendant. Il n'était peut-être pas plus riche, mais il vivait comme il l'entendait, sans l'armée dans les rues. Cela incluait sa liberté de religion. Ce n'était sûrement pas le paradis, mais on n'exécutait pas les moines pour avoir manifesté pacifiquement.

On peut déplorer l’omniprésence de la religion au sein de la communauté tibétaine et le fait qu’elle soit intriquée au politique, on peut critiquer certaines actions du Dalai Lama; cela ne justifie en rien l’inaction internationale face à la transgression des droits de la personne au Tibet. Ce sont deux questions qui doivent être analysées de façon indépendante.

Foglia avance que l'insurrection est téléguidée par les Européens et les Américains. Faut-il comprendre que le peuple tibétain ne serait pas assez intelligent pour saisir de lui-même l'occasion qui lui est donnée par le contexte des jeux olympiques, pour tenter de faire connaître sa situation à la face du monde? Et si les Européens et les Américains parlent tout haut et se prononcent sur la situation au Tibet, c'est peut-être parce que les Tibétains n'ont pas de voix? Ils ne sont pas libres de parler. S'ils le font, ils sont emprisonnés. On ne me fera pas croire que Fogila n'est pas au courant de la situation là-bas?

Est-il besoin de rappeler que la Chine a envahi le Tibet qui était un pays indépendant? Qu'ils ont tué plus d'un million de Tibétains depuis 50 ans? Qu'il y a des caméras partout dans les rues à Lhassa? Q’une bonne partie de la population s’est exilée et continue de le faire en fuyant par les montagnes? Que les Tibétains n'ont jamais jusqu'à maintenant pris les armes pour se révolter, car leur chef spirituel prône une solution diplomatique et pacifique? Que les Chinois ont détruit au Tibet des centaines de temples d'une grande richesse architecturale? Que le Penchen Lama a été enlevé alors qu'il était enfant et qu'il n'a jamais été rendu? Que vous risquez la prison si vous possédez une représentation du Dalai Lama? Que le gouvernement encourage par des appuis financiers l'immigration chinoise au Tibet dans un but d'assimilation culturelle par le nombre? Que la Chine n'est pas particulièrement un exemple en ce qui concerne les droits de la personne, même sur son propre territoire? En tant que journaliste, Foglia est sûrement au courant de la situation des confrères de sa profession en Chine. Ils n'ont pas la liberté, comme lui, de dire tout ce qu'ils veulent dire.

Alors monsieur Foglia, vous n'êtes pas obligé de croire aux concepts bouddhistes qui vous apparaissent farfelus, de comprendre les Occidentaux qui pourraient s'y intéresser, ni même de respecter le Dalai Lama, mais de grâce, ne laissez pas sous-entendre que des traditions (qui vous paraissent) ridicules sous-tendent nécessairement une cause ridicule et sans fondement, légitimant ainsi la complaisance internationale devant les exactions au Tibet.

S.L.