19 août 2013

Six mille morts et alors ?

Plus de six mille (6000) morts par an. Non, ce n'est pas un autre bilan de la guerre civile en Syrie ou en Tchétchénie, on parle juste du bilan des accidents de la route et des accidents du travail au Maroc.

Les accidents de la route au Maroc font chaque année plus de 4 000 morts et causent des dégâts matériels estimés à 14 milliards de dirhams, soit environ 2% du PIB ; quant aux accidents du travail, les seules statistiques dont on dispose concernent le BTP : Ils seraient près de 2000 ouvriers à perdre la vie chaque année sur les chantiers.

Bizarrement, malgré quelques articles qui paraissent à chaque année dans la presse, ce phénomène (comparable à une guerre civile) ne semble pas attirer l'attention des pouvoirs publiques ou de l'opinion publique. Le Maroc d'ailleurs vient tout juste de se conformer aux normes de l'OIT l'organisation internationale du travail.

Malgré un nouveau code la route sensé tacler l'hécatombe sur nos routes, le résultat est famélique. Quant aux accidents du travail, les employeurs (seules 13 000 sur 50 000 unités de BTP au Maroc sont, à l’heure actuelle, déclarées à la CNSS) continuent à ne pas s'assurer et fuient leurs responsabilités.

En attendant une prise de conscience, continuons à manifester en masse pour ce qui se passe en Égypte, à appeler à manifester pour les abus contre les subsahariens et à suivre les élucubrations des chroniqueurs de Hespress.

3 août 2013

Onze mineurs violés, trente années de réclusion et une grâce royale.

Onze mineurs violés, trente années de réclusion et puis une grâce royale. J'avoue qu'en écrivant ces lignes je n'ai toujours pas réussi à accepter cela. Une partie de moi refuse de croire qu'on puisse gracier un pédophile. Cela ne fait juste pas de sens.  Que ce criminel soit un agent irakien exfiltré ou que l'Espagne nous ait promis la rétrocession de Sebta et Melillia et l'incarcération de Javier Bardem, il reste qu'on ne libère pas un pédophile.

Sous d'autres cieux, on en serait déjà à deux ou trois démissions, une motion de censure contre le gouvernement et à quatre ou cinq points de presse et à des excuses officielles.
On se serait attelé à établir la chaîne des responsabilités en toute transparence en s'appuyant sur le dahir 1.77.226 qui stipule que le comité qui octroie la grâce est composé du ministre de la justice, du directeur du cabinet royal, du président de la chambre haute et de hauts fonctionnaires.
Tout ce que nous avons eu c'est un communiqué burlesque du ministre de la justice où il se déclare inapte "à commenter une décision de deux souverains". Comme si nous nous étions pas déjà assez rendus compte tous seuls de l'inaptitude de ce gouvernement à régler le moindre de nos soucis. Alors pour sauvegarder l'honneur de nos enfants, on repassera.
  
Quant à M. Benkirane, son réservoir d'indignation, il l'a épuisé jeudi pendant le conseil des ministres  en s'en prenant à une citoyenne qui aurait insulté un policier de la circulation. Du coup, il n'a pipé mot sur la grâce royale. Quand on sait que selon le rite malékite, un pédophile est passible de lapidation, on est en droit de se demander si vraiment le PJD est un parti islamiste.
Les seuls partis politiques ayant aborder cette tragédie sont le PAM et le PSU, sinon c'était silence radio.
Du côté des médias officiels de l'état, même silence assourdissant ; s'il a été question de jeunes c'est pour nous informer que "Sa Majesté le Roi lance trois projets solidaires dédiés à la femme et aux jeunes", rien sur une éventuelle grâce à un pédophile. Le résultat en est que la majorité des marocains ne sont pas au courant de cette tragédie ; heureusement que France24 et Aljazeera en ont fait mention dans leur téléjournal.

Comme si la situation n'était pas assez irréelle, hier lors des sit-in organisés dans différentes villes du Maroc, les autorités n'y sont pas allés de main morte et ont brutalisé et tabassé nombre de manifestants comme si on voulait nous communiquer que "La vie des marocain(e)s ne vaut rien."
Parlons-en de ces manifestants rudoyés, loin du cliché des gens du 20 février, il s'agissait de jeunes professionnels, de familles ayant des enfants en bas âge. Des gens apolitisés qui venaient juste crier leur indignation sans aucune demande politique ; à la fin de la soirée, les autorités ont réussi à faire d'elles des militants anti-régime. Le nombre de témoignages de gens qui défendaient bec et ongles le régime les deux dernières années et qui déclarent leur ras-le-bol après les événements d'hier est surprenant. Le régime en s'en prenant à eux, se les a aliénés. Sur une note plus personnelle, je tiens à exprimer mon admiration et tout le respect que je voue aux personnes que je connais ou pas qui sont sortis hier.

Enfin, cette tragédie en plus de nous mettre devant nos contradictions internes a mis à mal l'image et la réputation du Maroc, combien de titres de la presse international avec Maroc et pédophilie associés ? Le gouvernement est-il à ce point obnubilé par sa survie et par sa politique politicienne qu'il fait l'autruche ? Et le cabinet royal qui a pris part à cette tragédie, n'a-t-il pas des explications à nous fournir ?
Dans quel monde ces gens là vivent-ils ? Quelles peuvent bien être leurs valeurs pour avoir laissé une telle tragédie avoir lieu et surtout continuer dans leur mutisme maintenant qu'elle a été ébruité ? Et comment peuvent-ils encore se regarder dans un miroir ?

16 mai 2013

Que reste-t-il du 16 mai 2003 ?

Il y a dix ans le Maroc faisait son entrée dans le triste club des nations victimes d'attentats : Le 16 mai 2003 une dizaine de terroristes marocains se sont fait exploser et emportaient avec eux dans leur folie quarante et une victimes et faisaient une centaine de blessés.

Dix ans après que reste-t-il de ces tristes événements dans notre mémoire collective ? Les casablancais ont vécu ce drame dans leur chair et s'en souviennent mieux que quiconque ; mais qu'en est il du reste des marocains ?

Après la vague d'arrestations, de condamnations et la récupération politique de ces attentats pour s'en prendre aux mouvements islamistes, l'état marocain a vite balayé ces attentats et passé à autre chose ; car, ne l'oublions, ces événements sont l'expression de l'échec de la politique du tout sécuritaire. Jusqu'à ce jour, nous ne savons pas exactement qui a été l'instigateur de ces attentats.
Les raisons sociales qui pourraient expliquer le naufrage de certains des kamikazes sont encore là : Un tour à Sidi Moumen (d'où sont originaires la plupart des terroristes) suffit pour se rendre que rien n'a été fait pour améliorer les conditions de vie de ses habitants.
Quant aux raisons religieuses, les diatribes d'un Nhari, les opinions du conseil des oulémas sur l'apostasie ou encore les réactions nauséabondes de certains ministres à la dernière sortie de Assid sont autant d'indices qui prouvent qu'aucun travail n'a été réalisé sur ce volet pour faire face à l'obscurantisme. Même que face à la popularité du PJD et de Al Adl Wal Ihsane, l'état marocain au lieu de les contrecarrer a plutôt choisi la voie de la surenchère avec Allah seul sait quels résultats au bout du compte.

À une connaissance à qui je faisais remarquer que nous n'avons pas su entretenir un devoir de mémoire sur le 16 mai 2003, sa réponse  laconique résume bien l'état d'avancement de notre démocratie :  "Parce que nous avons réalisé ce devoir de mémoire pour les années de plomb ? "